Numéro Décembre 2020.
À propos du festival en ligne 25 Arts Seconde proposé par le Centre Wallonie Bruxelles de Paris.
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Quand Amélie Derlon Cordina rejoue « le Terrier », dans un espace qu’on imaginerait volontiers beckettien – mi-nid, mi-grenier – avec un extraordinaire acteur, elle ne donne pas seulement poids et présence à l’espace mental, obsidional, de la nouvelle de Kafka. Elle crée une image hybride, qui s’adresse aussi bien à cette strate plus ou moins enfouie de l’esprit qui réagit aux grands symboles (la psyché comme espace clos, maison, caverne ou pourquoi pas terrier) qu’à nos yeux qui s’étonnent, s’inquiètent, fouillent, cette étrange architecture.
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Entretien dans le livre de Will Mountain Cox, WITH PARIS IN MIND (Talking with artists of this generation)
Automne 2019
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Les Cahiers du Cinéma sept 2017, "Un FID en pleine forme"
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Entretien dans le quotidien du FID Marseille, 14 juillet 2017
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Texte de Jean-Pierre Rehm (délégué général du FIDMarseille), 2016
Automne 2019
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L'AVIS DE TENK - SAINTS'GAME
Amélie, la jeune réalisatrice, est arrivée à l'atelier du SIC (Sound Image Culture) avec un projet dont elle n'avait que le premier plan : la mise en place du Templum. Mystérieux, drôle, métaphorique. Ce n'était qu'un plan, mais nous y devinions l'univers d'une cinéaste.
Parfait titre pour ce poème cinématographique, "Saints'Game" joue d'une dévotion sans religiosité. Sa spiritualité s'ouvre sur les autres dans la simplicité de ses moyens qu'il affirme dès le départ. "Un film pauvre". Un film artisanal, qui se fabrique au jour le jour dans l'espace "secret" d'Amélie. Loin, très loin de l'industrie.Une histoire de profanation que le film restaure, rendant sacré les gestes, signes, mots de la mémoire et par là, le cinéma lui-même.
Parfait titre pour ce poème cinématographique, "Saints'Game" joue d'une dévotion sans religiosité. Sa spiritualité s'ouvre sur les autres dans la simplicité de ses moyens qu'il affirme dès le départ. "Un film pauvre". Un film artisanal, qui se fabrique au jour le jour dans l'espace "secret" d'Amélie. Loin, très loin de l'industrie.Une histoire de profanation que le film restaure, rendant sacré les gestes, signes, mots de la mémoire et par là, le cinéma lui-même.
Mary Jimenez et Bénédicte Liénard
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Entretien dans le quotidien du FID Marseille, 15 juillet 2018
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Entretien dans le quotidien du FID Marseille, 15 juillet 2018
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Entretien dans le quotidien du FID Marseille, 14 juillet 2017
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Texte de Jean-Pierre Rehm (délégué général du FIDMarseille), 2016
Trait frappant dans ces
premiers travaux, alors réalisés à Marseille, laissant une impression qui a
perduré depuis, jusqu’à ses plus récentes productions : une étrangeté, dont il
parait hasardeux d’assigner la source. Ni dérivée de références, même si l’on
pouvait percevoir ici et là combien aucune « naïveté » n’était au programme ;
ni inscrite dans une expressivité autobiographique, toujours exposée au
scabreux, bien qu’elle-même, et des proches, figurent régulièrement à l’image.
Non, sa singularité tenait, tient toujours, et dans les éléments, encore,
remarquables de promesse, de Saints’ Game, son projet à l’œuvre, à une manière
de croiser des décors et des « personnages », des situations et des dialogues,
de telle sorte qu’un réalisme halluciné en soit le fruit.
Un réalisme halluciné,
comment le décrire ? L’ambition de ne se reposer ni sur du récit, ni sur du
pittoresque ; un entêtement à creuser la même parcelle, d’où son échappée se
présente précisément possible au lieu même de l’obstination. Amélie Derlon
Cordina fait entendre, avec modestie et fièvre, une véritable voix. J’ose
espérer que, comme moi, vous saurez en apprécier les accents discrets, et pour
autant impérieux.
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Au royaume des morts
Mange tes morts, comme son nom l’indique, est déjà moins léger. Le film d’Amélie
Derlon Cordina prend place à Marseille. Il s’ouvre sur le bordel d’un
appartement, celui d’un jeune type amorphe, que l’on vient embrasser dans son
fauteuil avant de le laisser seul, emmitouflé dans une couverture bleue. Dans
un autre appartement, on assiste aux préparatifs d’une fête. Tout se fait dans
une absence de paroles. A l’heure de la soirée, une fille ouvre la porte : une
trentaine de personnes entrent en file indienne, silencieux eux aussi, parmi
lesquels le type du début ; la jeune fille répète inlassablement à chacun
d’enlever ses chaussures. Une tête d’éléphant, un casque d’escrime, un sac en
papier marron… Tout le monde est masqué, la fête peut commencer. Un travelling
en caméra portée suit une fille dans l’appartement, jusqu’à une pièce plongée
dans le noir où l’on danse en transe, à demi vêtu. Au petit matin, le type
rentre chez lui ; un travelling à la grue impeccable suit sa descente depuis
une échelle jusqu’à son balcon. Il se rendort dans son bordel. Le film, à la
limite de l’expérimental, parvient à rejoindre la fiction à travers ce
personnage masculin dépressif et le récit de sa journée. Un vide se dessine.
Les cadrages, larges et composés (dans leur bordel), la lumière, toujours
précise et pourtant si libre, soulignent le poids d’un monde où les personnages
mutiques semblent tous habités par un spleen invisible. Un film beau et
surprenant, peut-être la plus grande découverte du festival.
Quentin Le Goff
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Catalogue de l'exposition, séries de conférences, performances et projections, "Du dire au faire et autres procédures" de Patricia Brignone, MAC/ VAL, 2012.
"On n'arrive pas à la plage en cinq minutes" Amélie Derlon Cordina. 2009.
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Il y a une nonchalance dans
la vidéo, celle qui sans doute exaspère lorsqu’elle devient maniérisme, mais il
y a surtout comme le tapis du temps qu’elle retire sous le pas des acteurs,
comme pour passer de l’existence à l’essence, comme pour creuser ce qui
d’habitude ne jouit que dans son emportement. Le cinéma c’est l’art du
mouvement, l’émotion première du saisissement de la vie en fuite, avec les
fabuleux débuts de la chronophotographie, la vie même en train de naître sur la
pellicule grâce à ce spasme, cette saccade de la griffe, diastole et systole,
obturation et lumière. Au contraire, dans son lisse non fractionné, la vidéo
creuse le temps, l’évide, pouvant tomber tout aussi bien dans la nuit et dans
la vacuité. L’acteur est sur un tapis roulant : il court sur place. Le cinéma a
tout de suite voulu raconter des histoires, un polar, s’installer dans le
syntagme du récit, alors que la vidéo empile des paradigmes, infiltre les
aventures de digressions. Le livre cinématographique a été ouvert et déployé
par la vidéo à la façon des encyclopédies chinoises, avec une immensité
d’accordéon qu’on n’attendait pas ; la vidéo donne de la géographie à
l’histoire du cinéma ; elle lui a ouvert des sentiers de traverse, des méandres
inconnus ; elle déploie un carte là où il n’y avait qu’un trajet, une ligne.
Gribouillis, incidents, détours improductifs (comme la masturbation de Daily
Life), ennui littoral de Longtemps j’ai habité rue Port-de-Bouc, avec son
vrombissement de machine hors champ, puis dans l’intimité de l’appartement avec
ses photos de famille, sa bouteille d’huile qui traîne sur la table basse, tout
le désœuvrement ordinaire de la journée et ces autres préalables du maquillage
La vidéo travaillant sans décors préalables, et les posant alors même qu’elle
les filme, les méandres et le désordre sont d’autant plus présents dans le
“bordel d’atelier” de l’appartement de Je n’ai pas, Moi d’excuse à présenter à
Personne : tout reste à faire, l’ébauche est en train de se tisser sur un fond
défait. Dans ce désordre un personnage vient fouiller et tout retourner ; sans
doute cherche-t-il l’énigme du film ou la raison de ce tournage comme la lettre
volée. Elle doit bien être quelque part : il soulève les tapis qu’il secoue,
les entassements de papier, les tissus, les vêtements sur les chaises… Je ne
sais plus quel vidéaste ou théoricien a parlé de cette nécessité de
l’opposition dynamique entre le pénible et l’éblouissant pour aborder la vidéo.
Vous le trouverez vous-même. J’ai repris cette opposition plusieurs fois en en
formant des variantes. Mais en tout cas en contrepoint à ce quelque chose
laborieux, de savant, d’attentif, de scrupuleux, dans un plan comme celui dont
on vient de parler, vient l’apparition magnifique du nu de dos parmi d’autres
fleurs, de Daily Life. Jamais l’un sans l’autre. Jamais l’éblouissant sans le
pénible pour reprendre ces deux catégories dont j’ai oublié l’auteur. Dans
Monstres le hors-champ du sommeil (auquel le cinéma nous fait parfois
participer, ainsi dans L'Atalante), offre une sorte de travail du rêve vu du
dehors (comme on retourne un gant) avec une ébauche de chorégraphie rampante
sur la musique qui laisse entrevoir les quiproquos des corps qui “se
confondent” parfois sur le hasard d’une couche de rencontre. L’autre hors-champ
sonore est celui de la rumeur par la fenêtre, au-delà des deux personnages vus
de dos entre le biais d’un rideau et une porte, alors que la sirène d’alerte
atteste de ce hors-champ par du mal entendu (de ce qui se passe dans la rue
autant que de ce qui se dit entre les protagonistes). Quant aux deux nus de
Daily Life (l’une en levrette, l’autre en train de se masturber), ils appellent
(ils ne renvoient pas) au hors-champ de l’autre comme les mariés de L’Atalante
dans leur chorégraphie dormante alors qu’ils viennent juste d’être
séparés.
O. N. Octobre 2009